Sermon du père Hugues de Tilly pour le dimanche de Pâques
Chers frères et sœurs, chers paroissiens,
L’invisible plus réel que le visible
Certains ont peut-être vu sur Facebook les photos du père Wilner célébrant avec moi l’office de la Croix, au Coudray, dans l’église où nous entendions le chant des oiseaux, et même le coq du récit de la Passion. Vous êtes avec nous par la pensée, dans nos chères églises : il y a la place vide où se serait tenue la chorale, le banc vide de l’organiste ; les chaises vides des habitués ou des recommençant. Ces places vides ne m’attristent pas plus que cela (si cela ne dure pas trop), car nous sommes reliés par des liens invisibles, et peut-être plus réels, que les liens visibles. Comme croyants, nous savons que les réalités invisibles sont plus réelles que les réalités visibles : Dieu par exemple ! Lorsque personne ne voit notre prière, lorsque la photo n’est pas sur Facebook, le lien est là cependant, et Dieu voit toutes choses. L’important en ces jours, c’est de bien de Le célébrer, d’être avec lui, de se laisser renouveler par sa Résurrection, pour l’annoncer au monde en vérité. Pour nous prêtres, l’important reste aussi de porter la paroisse et le monde dans la célébration, à huis clos, des saints mystères. Dieu est bien plus vivant et réel que le monde matériel qui nous entoure. Et pour nous les réalités invisibles sont plus importantes que les réalités visibles.
Douter à moitié, croire à moitié ?
Cela ne se voit pas, cela ne fait pas de bruit, mais j’ai à vous transmettre la nouvelle la plus essentielle : elle ne se voit pas, elle ne fait pas de bruit, et pourtant elle change tout. En fonction de cette nouvelle, nos vies ont un sens, ou bien n’en ont pas. Mais c’est une bonne nouvelle. La nouvelle radicale : le tombeau est vide, car Jésus est ressuscité ! Et donc ma vie a un sens.
Le croyons-nous fermement ? Que croyons-nous fermement, d’ailleurs ? « Aujourd’hui, il y a comme une universelle schizophrénie née des temps modernes, qui touche la foi comme le doute. On croit à moitié et on doute à moitié. […] A mesure que nous doutons de tout, nous perdons notre esprit critique véritable. C’est la raison pour laquelle notre époque redevient aussi crédule[1]. »
Revenons donc à ce qui est solide !
Il y a une chose dont nous sommes sûrs en tant qu’êtres humains : un jour nous mourrons.
Et il y a une chose dont nous sommes sûrs en tant que chrétiens : Jésus est ressuscité. La bonne nouvelle du Royaume qu’Il a annoncé est donc confirmée, et sa victoire nous ouvre les portes de la vie éternelle. Ce n’est pas de la poésie, cela s’est passé, historiquement, concrètement, il y a presque 2000 ans, au pied des murailles de Jérusalem.
Chemin d’éternité
« La mort, c’est triste, mais ce n’est pas grave[2] ». Grâce à la résurrection, Gaspard peut dire cela à ses parents lors de la mort de sa petite sœur. C’est Gaspard qui a raison, reconnaissent ses parents, chrétiens. Grâce à la Résurrection de Jésus.
La crise que nous traversons redonne à la mort (un peu de) place dans notre horizon qui l’évacuait si bien. Par contraste, cela souligne la beauté de la vie, et nous donne d’approfondir sérieusement le sens de la victoire de Pâques. Nos vies sont à regarder sous l’angle de l’éternité. Alors de quoi avons-nous peur ? de la mort ? théoriquement non, même si c’est tout de même un sacré passage. Craignons plutôt de ne pas construire dès maintenant l’éternité bienheureuse. Et ça, c’est l’amour. La puissance invincible de la Croix, c’est l’amour de Dieu jusqu’à l’extrême. Omnia vincit amor disait déjà l’auteur antique[3]. L’amour est vainqueur de tout. S’il s’agit d’un amour véritable, à la suite de Jésus, à l’image de Jésus, cet amour est chemin d’éternité.
Nos plaies d’Egypte
La quarantaine que nous venons d’achever (le Carême) se tuile avec l’autre, celle du confinement, comme si nous vivions encore les plaies d’Egypte racontées il y a quelques semaines dans la liturgie. Il y a un an, l’incendie de Notre Dame de Paris dessinait, dans la nuit, face au ciel, une immense croix de feu, comme une précédente plaie d’Egypte. Entre sècheresses et inondations, maintenant, c’est la pandémie. Les plaies d’Egypte et les épreuves du désert, nous invitent à lever nos yeux vers notre Terre Promise, vers Dieu lui-même, et sa Parole faite chair, Celui que nous avons transpercés et dont le cœur déverse désormais des fleuves d’eau vive. Gardons en mémoire nos plaies d’Egypte, pour ne pas redevenir esclaves d’une vie sans Dieu. Nous avons nos plaies et nos infidélités, individuelles, et collectives, comme des appels à replacer Jésus à sa juste place dans nos vies, dans nos paroisses, dans notre pays. Sa juste place, c’est à dire la première.
Dimanche prochain, nous fêterons la Divine Miséricorde. Oui nous avons souvent vécu comme si Dieu n’existait pas… ou si peu. Et ne me dites pas que c’est simplement une autre manière de vivre sa foi que de vivre pour soi, d’oublier Jésus et ne jamais lui rendre un culte ! Mais aujourd’hui, c’est l’arrivée en Terre Promise, le grand passage, et déjà le débordement de la Miséricorde de Dieu. La Pâque, est accomplie. Pour repartir différemment. Pleins d’espérance surnaturelle. Il est passé par nos souffrances, ne l’oublions plus si vite lorsque nos plaies sont pansées !
Joyeuses Pâques à la lumière de la Résurrection. L’amour qui vient de Dieu est invincible, la preuve : Il s’est relevé d’entre les morts, comme Il l’avait dit, le Christ est vraiment ressuscité, amen ! Alléluia !!!
abbé Hugues de Tilly, curé
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[1] Entretien avec Camille Riquier, La Croix du 9 avril 2020, p. 19
[2] Entretien avec Anne-Dauphine Julliand RECUEILLI PAR ISABELLE DE GAULMYN et FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE, La Croix, 09/09/2011
[3] Ovide, Métamorphoses
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Conseils spirituels :
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