Homélie du père Hugues de Tilly pour la Toussaint 2020

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Tous les Saints - Homélie du père Hugues de Tilly pour la Toussaint 2020

Chers frères et sœurs,

Le père Joseph est arrivé vendredi matin du Burkina et je vous avoue que je me suis demandé dans quel pays il tombe : le voilà qui débarque au premier jour de confinement, avec impossibilité de rencontrer qui que ce soit. Et surtout, le voilà qui débarque en France, non pas en Afghanistan ou au Nigéria, en France, la veille, trois chrétiens tués dans leur église à Nice.

Pour nous tous, une immense tristesse. Parce que des chrétiens ont payé de leur vie le fait d’aller prier. Mais pas seulement parce que des chrétiens ont payé de leur vie leur fidélité à la prière et à la messe, mais encore parce que les assassins, cette fois-ci à Nice, il y a quinze jours à Conflans Sainte Honorine, ce sont des personnes qui ont été accueillies sur notre territoire, l’un sa famille avec le statu de réfugié, l’autre papier de la Crois Rouge en poche, et qui en profitent pour semer la mort et la violence.

Grande tristesse car il y a injustice et lâcheté à s’attaquer par surprise à un enseignant, ou à des personnes qui prient. Colère de voir s’attaquer à des personnes sans défense et vulnérables : quel courage pour un gars de 21 ans de s’attaquer à une dame de 60 ans… Grande colère aussi parce que ces actes sont perpétrés au nom de Dieu, Allah Akbar, Dieu est le plus grand, ce qui est le véritable blasphème. Grande tristesse car en de telles circonstances, les discours raisonnables vont être de moins en moins entendus.

 

Et nous entendons en cette fête des lectures qui nous invitent à une grande joie. Soit les lectures sont à côté de la plaque ;

Soit on creuse. Heureux, heureux. Non cette année, on n’est pas prêt à l’entendre. On l’écoutera lorsque la crise sanitaire sera résolue, et le terrorisme moins présent. Ah bon ?

Et qu’est-ce qui me dit que cela ne va pas durer, ou que demain il n’y aura pas d’autres problèmes ? Vous comprenez, si nous attendons que tout aille bien pour décider d’être heureux, il y a des chances qu’on attende longtemps.

Il y a les béatitudes au futur, qui nous rappellent que nous construisons ici-bas l’éternité bienheureuse. Il y a aussi la première béatitude qui est au présent. « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » L’avant dernière, qui est au présent. Et la dernière, qui nous parle particulièrement depuis jeudi : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

C’est dès maintenant que nous pouvons expérimenter le fait d’être heureux. Mais pas de la manière que nous pourrions imaginer à première vue : être heureux, ce n’est pas avoir une vie sans tristesse, sans problèmes ou sans souffrance, si l’on écoute les béatitudes. Le bonheur des béatitudes, c’est une manière de garder le cœur ouvert. Le cœur ouvert malgré tout. Non pas faire comme s’il n’y avait pas de colère en nous. Mais ne pas se laisser enfermer dans la colère, pour répondre au mal par le bien, et non pas répondre au mal en développant le cercle vicieux de la violence.

Le bonheur des béatitudes, c’est une manière de garder le cœur ouvert. C’est agir en chrétien, c’est nous souvenir que par notre baptême nous avons vécu notre Pâque. Nous avons déjà été associés à la mort et à la résurrection de Jésus et nous sommes devenus du citoyen du ciel. Nous pouvons déjà contempler la vie à l’aune de l’éternité en sachant que la victoire est acquise. Par la confirmation, nous avons vécu notre pentecôte. Nous avons l’Esprit Saint en nous pour être témoins. De quoi avons-nous peur ? Notre objectif, c’est la vie éternelle, et nous voulons que notre vie ici-bas soit belle car elle prépare notre vie éternelle.

« Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » Pour vous faire une confidence, j’espère en savoir plus sur la vie des trois personnes tuées, mère de famille, père de famille et sacristain, grand-mère. Je pense qu’ils étaient peut-être prêts à voir Dieu. Immense tristesse pour leur famille, mais en cette fête de la Toussaint, ils sont sans doute de ceux que l’on fête en ce jour.

Alors oui nous pouvons entrer dans cette joie de la Toussaint. Cette joie n’est pas une joie d’ici-bas. C’est la joie de savoir qu’au bout du compte, c’est l’amour qui est victorieux, une joie du ciel qui descend jusqu’aux joies et aux tristesses d’ici-bas.

Comment réagir face à l’islamisme ? Il n’y a qu’un chemin, le chemin de la Sainteté, le chemin de l’ouverture du cœur, malgré les circonstances, ou plutôt, précisément, à cause des circonstances. Nous voulons répondre au mal par le bien. Parce que nous sommes chrétiens.

Nous voulons répondre au mal par le bien, et non pas au mal par le mal, sans quoi ils réussiraient à faire que nos vies soient salies par le mal que nous commettrions. Nous voulons et nous devons tenir dans la foi, réveiller notre foi, notre confiance, et donc notre joie d’être chrétiens, amis de Dieu, dans une amitié entretenue par la prière.

Il y a des moments où cela devient héroïque, voilà pourquoi il faut nourrir notre foi, entretenir notre joie et faire grandir la vraie liberté : liberté de louer Dieu, liberté de témoigner de notre foi, liberté de réfléchir et de juger librement. Et pour cela il y a l’eucharistie. Jésus qui se donne. Jésus qui nourrit notre vie en se donnant jusqu’au bout. Réalité invisible et tellement puissante pour ceux qui ont une vie intérieure.

Voilà pourquoi il est si précieux et nécessaire de célébrer cette grande fête de la Toussaint. Voilà pourquoi il est à espérer que cette restriction exorbitante de la liberté de culte sera la plus courte possible. Et j’aimerais vous donner quelques conseils dans deux directions, si vous m’y autorisez :

–        Concernant nos relations avec les musulmans : entretenez les amitiés, ne permettez pas que les cloisons se montent entre nous. Je ne vous demande pas d’aimer l’Islam ou le Coran, on en voit de plus en plus les limites. Mais simplement de nous souvenir que Jésus est mort pour tous, et que comme chrétien, nous n’avons pas d’ennemis, nous ne pouvons pas considérer comme ennemi quelqu’un pour qui Jésus est mort.

–        Concernant notre vie de foi pendant le confinement : tenez bon dans la prière quotidienne, avec exigence, notre monde, notre pays, notre paroisse en ont tellement besoin. Il est légitime de réclamer haut et fort le droit d’assister à la messe, plus nécessaire que celui d’aller à l’école ou faire ses courses au Leclerc, nous savons mettre en œuvre la liturgie de manière responsable ! Et pour les dimanches confinés, je vous rappelle que notre obligation c’est la sanctification du dimanche. Pour les personnes seules, la messe télévisée est vécue dans a communion des Saints, mais si vous êtes en famille, je vous invite à privilégier plutôt une liturgie familiale, choix d’un chant ou deux, lectures du jour, composer des intentions de prière, Notre Père, Je vous salue Marie, en répartissant les rôles. Enfin cette privation de messe et l’occasion d’approfondir ce qu’est le grand mystère de la messe ! et par exemple de suivre le MOOC mis en ligne par Magnificat.

Chers frères et sœurs, haut les cœurs ! Implorons le Seigneur ; qu’il fasse de nous les artisans des béatitudes, les artisans du réveil spirituel de notre beau pays, pour que la France revienne à Jésus, qui est le seul Sauveur et qui règne pour les siècles et dans l’éternité.

Amen