L’abbaye Notre Dame de l’Eau-lès-Chartres
Sur la paroisse de Ver-les-Chartres, une abbaye de moniales cisterciennes a été fondée au XIII° s. Et a tenu bon pendant plus de cinq siècles. Abbaye fondée en 1226 par la Comtesse Isabelle de Chartres. Fondation assortie de dotations qui allaient assurer des revenus réguliers au monastère – revenus sur les terres et les vignes que possédait la comtesse au Coudray, à Vauparfonds (Luisant), à Vauféry (Morancez). Elle avait aussi donné des prairies en cette vallée d’Eure. Dès sa fondation, l’abbaye recevra des dons – souvent très modestes, mais toujours bien utiles. Des moulins sur l’Eure, qu’au moyen-âge les soeurs exploitèrent elles-mêmes. Ainsi le moulin de la Fosse, sur le chemin de Loché à Thivars, par Préau. Puis celui de Boisseau, et quelques autres. En 1283 elles avaient fait l’acquisition de la ferme de Rosay, à Bailleau-le-Pin (à charge pour elles de verser une rente à la maladrerie d’Illiers). L’abbaye aura aussi des terres à Berchères (lieudit des « nonnes ») et à Saint-Loup, une ferme à Ermenonville la Grande, une métairie à Boncé. Modestes exploitations agricoles de ces temps-là.
Les travaux de construction commencèrent dès 1226, près de l’Eure : le lieu sera dit « l’Eau ». Et le monastère s’appellera Abbaye Notre Dame de l’Eau – dans l’Ordre cistercien, tous les monastères sont d’ailleurs dédiés à Notre Dame. Dès sa construction, l’église Notre Dame de l’Eau sera fréquentée par les fidèles des hameaux des environs. Les seigneurs de Tachainville y auront leur sépulture. Saccagée au XIV°, restaurée après la guerre de Cent-ans , non sans difficultés – on n’était pas riche en ce temps-là – consacrée enfin en 1534 par l’évêque Louis Guillard. Brûlée ensuite par les Huguenots, remise en état tant bien que mal et bénie en 1603 par l’abbé de Cîteaux , l’église fut détruite à la Révolution. De cet humble monastère ne resteront que des vestiges qui ont beaucoup souffert depuis, mais une partie du cloître est maintenant bien sauvegardée. Subsiste aussi la maison abbatiale, agréable demeure du XVIII° s., bien restaurée. Propriété privée qui, actuellement, ne se visite pas. A la Révolution, alors que d’autres monastères étaient depuis longtemps en grand déclin, l’abbaye comptait en 1790 19 religieuses de chœur, 10 « converses » et 4 « données ». La plupart des sœurs déclarèrent vouloir rester en communauté. Seules 5 d’entre elles demandèrent à sortir. Les biens furent mis en séquestre, et la ferme vendue dès 1791 pour que l’exploitation continue.
Et la Vie continue…
Un monastère oublié, mais pendant plus d’un demi-millénaire la vie monastique a plongé ses racines en cette vallée de l’Eure. Ne continuerait-elle pas à porter des fruits ?
Historique retracé par le père Philippe Ferré
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La Vie des Soeurs
A l’abbaye de l’Eau, les sœurs ont vécu ordinairement dans une modeste aisance. Elles ont été parfois plus d’une quarantaine de moniales, mais l’abbaye connu des moments bien plus difficiles.
Sous l’Ancien Régime, il y avait dans un même monastère cistercien diverses catégories de religieux ou religieuses, qui vivaient selon la règle de saint Benoît, adaptée à leur situation propre. Où chacun est appelé à trouver au sein d’une communauté son juste équilibre, sa paix, dans une vie de travail et de prière. Une communauté bien insérée dans un environnement, et proche des habitants d’alentour.
Voici tout d’abord les « dames de chœur » – qui ont la coule blanche des moniales cisterciennes. Elles consacraient un temps important à la louange du Seigneur, au nom de tous leurs frères et sœurs humains, avec les offices liturgiques chantés chaque jour dans l’église. Les sœurs « converses » assuraient une grande partie des travaux du monastère. Il y avait aussi des « données » à qui, en échange de leur modeste pécule, la communauté assurait le vivre et le couvert. C’est la grande souplesse de la tradition bénédictine : où, dans des situations diverses, chacun et chacune peut trouver sa joie dans le Seigneur, au sein d’une communauté fraternelle et priante.
Les converses et les données étaient très proches de la population locale dont elles étaient, à Ver et aux environs, très appréciées. Et ce, pendant plus de cinq-cent ans. Les cuisines étaient toujours ouvertes aux pauvres. Et les sœurs savaient rendre de multiples petits services aux habitants de leur voisinage.
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