Sermon du père Hugues de Tilly pour le 5ème dimanche de carême
Textes du dimanche : Ez 37, 12-14 ; ps. 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45
Chers frères et sœurs, chers paroissiens,
Ca va, vous êtes en forme ? (en forme de quoi ???) Quelle forme avez-vous choisi de donner à votre prière dominicale ? Et à votre confinement ? En voilà une vraie question : avons-nous envie de vivre un confinement bien douillet et confortable, ou simplement centré sur soi, puisqu’après tout beaucoup d’entre nous sommes confinés ? Personnellement non.
Envie de confinement douillet et confortable ?
J’espère que les uns et les autres, en particulier les familles, les personnes fragiles, les anciens, peuvent vivre le confinement dans des conditions vivables. Signalez ceux qui auraient des difficultés ! Mais pour ma part, je n’ai pas envie de me la couler douce sur un transat à siroter mon jus d’orange quand je sais qu’autour de nous se jouent, vont se jouer bien des drames, et parfois à huis clos. Tant de personnes meurent ou risquent de mourir dans la solitude, sans tenir la main de leurs proches. Et peut-être bientôt nos parents, notre frère, notre sœur… La situation actuelle éclaire radicalement le sens du carême. Les chrétiens ne veulent pas s’installer dans une routine confortable quand tant d’hommes sont dans la souffrance ou la misère.
« Il y avait quelqu’un de malade… »
L’Evangile résonne avec la situation actuelle : « Il y avait quelqu’un de malade. ». Nous entendons les chiffres de plus en plus vertigineux du nombre de confinés, de malades, de morts. Cela peut n’être que des statistiques dramatiques qui ne nous concernent pas immédiatement. Pour Jésus, il n’y a que des personnes uniques derrière ces statistiques anonymes. « C’était Lazare le frère de Marie qui était malade ». Nous ne sommes pas Dieu, il nous est difficile de réaliser ce que représente cette somme immense de personnes avec chacune son histoire, sa personnalité, sa famille, …sa foi. Dieu connait chacun. Nous ne sommes pas Dieu, mais nous pouvons intensifier notre prière en nous souvenant qu’il y a derrière ces chiffres tant d’histoires uniques, et que chacun est notre frère, puisque nous n’avons qu’un seul Père. Ce carême insère notre prière, nos pénitences, notre sens du partage dans une communion avec les hommes que Dieu connait, pour lui présenter ceux qui souffrent, ceux qui meurent, ceux qui se présentent devant Lui. Nous approfondissons le sens du carême et de la pénitence en renonçant à notre confort pour nous associer à tous ceux qui souffrent. C’est aussi imiter Jésus qui ne regarde pas de loin notre misère.
Semaine de la Passion
Ce dimanche nous fait entrer dans ce que la liturgie appelle la semaine de la Passion. Puis ce seront les Rameaux et la Semaine Sainte. Jésus est si passionné d’amour pour nous qu’il est descendu du ciel : il ne regarde pas de loin une humanité blessée par le péché, il vient prendre sur son dos, par amour, le poids de nos souffrance. Comment allons-nous vivre ce temps qui mène vers Pâques ? Sans doute dans la douleur et l’inquiétude d’une situation qui s’aggrave dans notre pays et dans le monde. D’autre pays qui vivent dans des conditions bien plus difficiles le confinement, y pensons-nous ? Comment allons-nous vivre ce temps de la Passion ? En nous associant à Jésus par une prière intense et une charité renouvelée ?
Ou bien en aménageant sa façon de rester centré sur soi ? Semaine de la Passion. Une médiation du père Etienne Charpentier, prêtre de notre diocèse décédé tragiquement il y a plusieurs décennies, écrit dans un chemin de Croix médité avec Saint Matthieu : « Donne-nous de croire, malgré tout, que tu es le maitre qui mène les événements. Donne-nous de croire que la souffrance et la mort peuvent être le chemin de la résurrection. Ne permet pas que, dans notre peur, nous te rejetions comme Judas, en préférant nos aises ou notre sécurité à la cause de Dieu et à la tienne. »
« Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels »
Vendredi soir notre pape François a adressé une impressionnante supplication au Seigneur pour la guérison d’un monde blessé et souffrant, « La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités (…) avec des habitudes apparemment “salvatrices”, incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité », a remarqué François. S’adressant directement au Seigneur dans une supplication dramatique, seul devant une Place Saint-Pierre vide, sous la pluie et la pénombre, le Pape a évoqué les péchés de l’humanité. « Dans notre monde, que tu aimes plus que nous, nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. Maintenant, alors que nous sommes dans une mer agitée, nous t’implorons : “Réveille-toi Seigneur !” »
« Serait-il scandaleux de cultiver l’Espérance ? »
Cela faisait écho à ce que m’a écrit l’un d’entre vous, à qui je passe maintenant la parole : « Moi qui ne suis pas un grand optimiste de nature, intuitivement, « je ne peux pas m’empêcher de ne pas être pessimiste ». Je sais que la formule est étrange. Avec beaucoup de négations. Mais elle est exacte. L’écoute de chaque macabre bulletin d’information alimente naturellement le pessimisme : comment ne pas frémir au décompte quotidien des infections, cas graves, décès ? Mais, étrangement, quelque chose ou quelqu’un, au creux d’une prière, d’une méditation quotidienne, semble murmurer de ne pas s’inquiéter. Intellectuellement, je me révolte : « Mais si, il y a de quoi s’inquiéter, se révolter, polémiquer de ne pas avoir pris telle ou telle décision ! » En ce moment, il y a comme une « culpabilité de l’espoir ». Au diapason des informations, serait-il scandaleux de cultiver l’espérance ? […] … non devin, non prophète, non médium, je ne sais pas ce qu’il adviendra de nous, de notre humanité, de nos individualités… Peut-être, une fois la crise passée, referons-nous les mêmes erreurs : la recherche frénétique du profit, la course coupable de nos Etats à l’économie au détriment de l’éducation, de la santé, l’alimentation des conflits guerriers, l’incompréhension entre les religions, l’évacuation du spirituel de nos vies par le monde consumériste ? Peut-être.
Mais ce soir, j’ose croire qu’il n’en sera peut-être pas ainsi. Le Christ nous accompagne. »
Oui Il est là dans la barque. Il nous accompagne. Qu’Il nous bénisse et nous garde.
AMEN.
abbé Hugues de Tilly, curé
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Conseils spirituels :
Peut-être êtes-vous soutenus par la messe à la radio ou à la télévision (diffusée depuis la cathédrale ce dimanche sur https://www.chartres.live/ )
Lorsqu’il y a plusieurs chrétiens sous un même toit, la prière est parfois mieux partagée en faisant de votre maison une petite église, pour vivre votre liturgie familiale : chants, parole de Dieu, échanges sur les textes, intentions de prière, Notre Père, silence… Une proposition de schéma est disponible sur le site de la paroisse https://www.paroisselatrinite28.fr/vivre-une-liturgie-familiale-a-domicile-pour-le-5eme-dimanche-de-careme/ .
Propositions d’intentions de prière :
Pour les résidents des EPHAD mis en quarantaine et pour leurs familles, pour les personnes qui terminent leur vie dans la solitude, et pour que nous apprenions à accompagner la mort pour la rendre plus humaine.
Pour tous ceux qui se dévouent au service des autres, que le Seigneur soutienne leur courage et leur donne la force.
Pour les familles éprouvées par le confinement, la promiscuité, les tensions et la violence.
Pour notre paroisse et pour l’Eglise, afin que le Seigneur donne aux chrétiens de connaitre ce qui est bon et la force de l’accomplir.
Vie matérielle de l’Eglise :
pour assurer la continuité de la vie matérielle de notre Eglise, quête et denier :
https://www.diocese-chartres.com/initiatives-diocesaines-offrandes/
Illustration : vitraux de l’église St Sulpice de Boncé. Verrière de droite : la résurrection de Lazare.